Dimanche 28 Janvier 2018

Cédric Villani « L’État ne cherchera plus à imposer sa version» (l'Humanité)



Cédric Villani Mathématicien, médaille Fields 2010, député LREM

Entretien réalisé par Maud VERGNOL
Lundi 22 janvier 2018
L'Humanité


Maurice Audin.  Les « autorités » françaises n’ont jamais reconnu l’assassinat, par l’armée, en juin 1957, du jeune mathématicien communiste Maurice Audin. Cédric Villani porte l’exigence d’une reconnaissance de ce crime d’état auprès du président de la République.

Emmanuel Macron va-t-il reconnaître l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française comme un véritable crime d’État ? Car le militant communiste ne s’est pas évaporé dans la nature après une évasion en juin 1957, comme l’a trop longtemps soutenu la « version officielle », mais a bien été exécuté avec « la couverture pleine et entière du pouvoir politique », comme le confessa du bout des lèvres le funeste général Aussaresses, avant sa mort en 2013. Au fil des ans, les enquêtes successives ont reconstruit le puzzle, confirmant que Maurice Audin a bien été tué par les militaires français, après avoir subi des tortures. Un assassinat « pour l’exemple », qui visait alors, en pleine bataille d’Alger, à « dissuader » les communistes de prendre part à la lutte pour l’indépendance. Entre janvier et septembre 1957, 3 024 personnes arrêtées par les paras ont « disparu ». De non-lieux en lois d’amnistie, tout s’est conjugué pour enfouir la vérité sur les crimes perpétrés par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Si Emmanuel Macron assure que « l’État ne cherchera plus à imposer sa version », il lui faut maintenant reconnaître officiellement ce crime d’État.

L'Humanité : En mai 2017, vous aviez cosigné une lettre au président de la République demandant que l’État fasse la lumière sur l’assassinat de Maurice Audin. Pourquoi vous êtes-vous engagé dans ce combat ?

Cédric Villani : Je mentionnerai d’abord que, avant même de connaître l’histoire de Maurice Audin, j’ai été en contact avec ses enfants : Michèle Audin, mathématicienne et historienne des sciences, et Pierre Audin, qui a fait, en toute discrétion, une très belle carrière au service de la vulgarisation mathématique au palais de la Découverte. Pierre est devenu un ami et je lui dois quelques astuces de vulgarisation, ainsi que de fructueux contacts avec la communauté mathématique algérienne. Mais c’est à travers d’autres sources que j’ai pris connaissance de la tragique « affaire Audin » : les souvenirs de Laurent Schwartz, les récits de mathématiciens seniors comme Pierre Cartier… S’associer à un appel pour la vérité sur Maurice Audin, c’était tout à la fois se battre contre un arbitraire injuste, réaffirmer l’indépendance des universitaires et tout simplement rendre hommage à Maurice Audin, figure extrêmement forte par son idéalisme et son courage. C’est pourquoi quand, il y a quelques années, mon collègue...

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